Ville de Pripyat – Zone des 30 kms – Tchernobyl District – 2017.
Au centre de la ville de Pripyat, sur la place Lénine, cette grande plate-forme de béton, à 3 kms de la centrale, les sapins poussent comme si la vie n’avait jamais existé ici. L’atmosphère est bizarre, tout ce silence est oppressant … Autour de nous, à 360°, des grands bâtiments gris, austères du haut de leur architecture brutaliste propre à l’ancien bloc soviétique.
Le Palais de la Culture Energetik (en russe : Дворец культуры Энергетик) jouxte l’hôtel Polissya auquel il est rattaché par une arche en arc de cercle.
Bâti en 1970, il a ouvert ses portes la même année aux habitants de la ville nouvelle de Pripyat.
Le nom « Energetik » est un jeu de mot propagandiste : il se réfère à l’énergie produite par les habitants – ouvriers à la centrale de Tchernobyl mais aussi à la vie animée des résidents de Pripyat.
Pour mieux comprendre : les Palais de la Culture étaient des centres communautaires construits dans les villes soviétiques pendant la Guerre froide. Ces bâtiments à l’architecture volontairement imposante donnent une image forte du pouvoir en place. Ils ont été conçus comme des points centraux dans les villes soviétiques, pour que la population puisse profiter d’une gamme d’activités récréatives et artistiques, toujours sous la coupe de la propagande politique. Le citoyen soviétique idéal devait être un individu bien formé et cultivé, maitre de son destin, plein d’énergie et d’entrain. Apportant travail et dynamisme au pays, l’idéologie soviétique était finalement bien acceptée par le peuple, sans besoin d’avoir recours à des méthodes violentes, contrairement à ce que l’on pourrait penser. En 1988, l’Union soviétique comptait ainsi plus de 137 000 centres répartis sur tout le territoire national.
Comme les autres Palais de la Culture en URSS, le bâtiment « Energetik » a été construit pour que la population puisse jouir d’activités récréatives et artistiques ultra modernes, tout cela en diffusant et renforçant la culture socialiste (cf fresque du hall d’entrée). Le bâtiment comprenait un cinéma pouvant accueillir 800 personnes, une salle de concert, un gymnase, des salles de danse et de réunion, un ring pour les amateurs de boxe, une bibliothèque, une salle d’étude. Les sous-sols du Palais de la Culture abritait même un stand de tir.
C’était la fierté de la ville : les musiciens, danseurs et gymnastes venaient y faire leurs répétitions. Les enfants pouvaient étudier ou se divertir en toute sécurité pendant que leurs parents assistaient à un spectacle ou une soirée littéraire … C’était la belle vie.
Actuellement le bâtiment est en mauvais état : les rudes hivers Ukrainiens se sont succédés, répétant inlassablement leur travail de destruction. Les forces de la nature aimant à s’allier, la végétation n’en fait qu’à sa tête et agit comme des vérins dans les fondations du bâtiment, faisant éclater le béton. Les grandes baies vitrées ont été brisées lors de la décontamination de Pripyat pour empêcher l’accumulation de rayonnement dans les espaces clos. Les vandales se sont chargés d’achever le travail en volant les cadres métalliques de ces fenêtres ainsi que de nombreux carreaux de marbre recouvrant autrefois le sol du bâtiment.
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#ADD 2021 : Depuis quelques années, le gouvernement Ukrainien travaillait à un projet de reconstruction et de mise en valeur de la zone de Tchernobyl, l’idée étant d’en faire à terme un grand musée à ciel ouvert pour accueillir des touristes du monde entier … Vous sentez l’amertume dans ma voix ? C’est normal …
30 millions d’UAH (environ 1 million d’euros) ont été alloués à la rénovation de la zone pour la seule année 2021. Début 2021, le ministère de la Protection de l’environnement et des Ressources naturelles a commencé les travaux de rénovation des trois premières « attractions » de la zone d’exclusion de Tchernobyl : le Palais de la Culture Energetik, le café Pripyat et le cinéma Prométhée. En parallèle, un immeuble de 16 étages au cœur de la ville va être réhabilité. Il est prévu d’équiper une plate-forme d’observation sur le toit du bâtiment et de créer un musée dans l’appartement du lieutenant pompier Vladimir Pravik. Il était le chef de la première brigade de pompiers arrivée à la centrale nucléaire de Tchernobyl après l’accident.
Dès l’année prochaine, les travaux devraient continuer avec quelques autres endroits bien connus : parmi eux, la station radar Duga, la piscine Lazurny et l’hôtel Polissya.
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Comment
reportage passionnant de qualité, tant par les images que par le texte qui les valorise; les images datent de 2017 ?